Reportage
Gabon: Nkoltang, trois mois après
l’assassinat de Catherine
UN corps mutilé transporté
sur une civière. Des taches de sang sur les habits. Une femme éplorée et ses
enfants qui crient leur rage. Des blessures ouvertes. L’assassinat, le 27
octobre, de la petite Catherine Ekovone, 4 ans, demeure encore présent dans les
esprits à Nkoltang, regroupement de villages situé à 30km de Libreville.
Trois mois après le crime
rituel, le souvenir de la petite Catherine demeure plus que vivace. Les images
violentes du corps meurtri continuent à trotter dans les têtes, à apitoyer et
choquer les riverains, au-delà de leurs clivages ethniques. « Nous n’oublierons
pas de sitôt ce crime abominable. Il restera longtemps gravé dans nos mémoires.
Personnellement, j’avais été traumatisée à la vue du corps mutilé de la petite
fille », explique Chantal, une jeune habitante de Nkoltang.
Claude-Emery Massandé,
l’assassin présumée de Catherine, l’avait déportée à son domicile aux confins
du village. Il avait asséné un coup de machette au niveau du cou. La fillette
était s’était aussitôt effondrée, morte. A l’aide d’un bistouri, le criminel
avait prélevé la chair du cou. « C’est la pire de choses qu’on puisse faire à
votre enfant. Si on avait rattrapé l’assassin, on l’aurait brûlé vif. C’était
rageant de savoir qu’il a dépecé cette fille tel un gibier. Si la peine de mort
existait encore, il fallait qu’il soit abattu à son tour », estime un notable
de Nkoltang.
DOULEUR. Chez la mère de
Catherine, samedi après-midi. L’atmosphère est lourde. Assise au milieu d’un
corps de garde improvisé au milieu de la cour familiale, Martine Ave Mba, 70
ans, grand-mère de Catherine, ne dit mot. La septuagénaire semble plongée dans
de noires ruminations. Elle est encore sonnée par l’assassinat de sa
petite-fille à qui elle avait donné le nom de sa mère. « Je n’arrive pas à
réaliser ce qui s’est passé », soupire la septuagénaire, le regard fixé vers le
néant.
Augustine Bendoume, 42 ans,
mère de la défunte, se trouve au salon en compagnie de sa fille, Cornelia et sa
cadette, Véronique Afoupseng, venue de Ntoum. C’est à la terrasse où il y a
plus d’air qu’elles vont recevoir les visiteurs. Les enfants y sortent des
chaises plastiques. L’oncle de la défunte Catherine, Théophile Mba et la
vieille Martine Ave Mba se joignent à elles. La venue des journalistes vient
rompre le silence oppressant de la journée. Le sujet à aborder ravive un
mauvais souvenir.
Dans la tête d’Augustine,
ça ne tourne pas encore très rond. Elle reste pétrifiée par l’assassinat de sa
fille. Son cœur est devenu une plaie ; il suffit de le toucher pour qu’il
saigne. La nuit, la quadragénaire se lève souvent le visage en sueur après
avoir fait un cauchemar. « Je rêve souvent de mon enfant me demandant de cesser
de pleurer. Dans les rêves, elle me dit qu’elle est en sécurité où elle se
trouve», avance la quadragénaire, la voix chevrotante.
Tous les proches de la
petite Catherine restent unis dans la douleur. Quand les moments sont forts,
ils se prennent par la main. Se tiennent par les épaules. Se refilent les
paquets de mouchoir. Sacré famille qui a décidé de faire, ensemble, le long et
douloureux chemin que constituent le deuil de Catherine. Augustine reste
abattue. Les cheveux coupés, elle dissimule à peine son affliction. Sa fille
était une enfant toujours joyeuse. Partout où elle allait, elle émerveillait
petits et grands. Sa mort fut une catastrophe pour ses amis, sa famille et,
plus que tout, pour le pays qui s’en est ému à l’annonce du drame.
CHAGRIN. La famille de la
fillette aurait aimé qu’elle grandisse et vive plus longtemps. « Chaque fois
que nous pensons à elle, nos yeux se mouillent de larmes », explique Théophile
Mba, l’oncle de la défunte. « Nous repensons tout le temps à la joie que nous
avons éprouvée à sa naissance, lorsqu’elle nous fait son premier sourire, lors
de sa première rentrée, et des innombrables moments de bonheur qu’elle nous a
apportés », renchérit Cornélia Avé. Tout cela, rien, ni la mort, ne pourra
jamais le leur enlever.
(Retrouvez le reportage
intégral dans Echos du Nord de demain, 27/01/2014)
Jonas Moulenda
26/01/2014
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