Lettre ouverte aux
participants à la 3ème session du New York Forum Africa (NYFA) au
Gabon
Libreville,
le 10 mai 2014
Madame, Monsieur,
Vous avez été pressenti(e) par M. Richard Attias pour prendre part, au
Gabon, à la troisième édition du New York Forum Africa (NYFA), du 23 au 25 mai
2014, dont l’objectif ultime demeure encore et toujours la glorification d’Ali
Bongo. Comme pour les deux éditions précédentes, nous dénonçons vigoureusement
cette arnaque. Avant toute chose, posez-vous honnêtement la question :
quel est le bilan des deux éditions précédentes ? Qu’ont-elles apporté
concrètement à l’Afrique en général et au peuple gabonais en particulier ?
Nous sommes convaincus, à bien des égards, que nous partageons les valeurs
que vous défendez personnellement. Comme vous, nous croyons en la démocratie.
Comme vous, nous sommes attachés à la liberté d’expression. Comme vous, nous
croyons que l’État doit être fort et juste, qu’il doit protéger les faibles et
garantir la sécurité des puissants. Comme vous, nous savons que l’Afrique
finira bien par s’éveiller et par offrir à ses populations la qualité de vie à
laquelle elles aspirent légitimement. Comme vous, nous soutenons les progrès
scientifiques, technologiques et sociétaux.
Cependant, nous nous devons de vous rappeler que le Gabon est une
République et non une monarchie dynastique. Nous nous devons de vous rappeler
qu’Ali Bongo a succédé à son père qui a dirigé le Gabon pendant plus de quatre
décennies, dans des conditions scabreuses et en faisant usage de la force. Nous
nous devons de vous rappeler que l’arrivée d’Ali Bongo à la tête du Gabon s’est
imposée au prix du sang des Gabonais, tombés sous les balles d’une armée
transformée en milice privée et dirigée par des membres de la parentèle d’Ali
Bongo. Ces faits historiques et vérifiables ne peuvent être ignorés de vous.
Nous ne vous ferons pas l’injure de dresser un tableau exhaustif de la
situation des droits humains et plus largement de la gouvernance au Gabon, car
nous sommes convaincus que vous en savez autant que nous.
Nous croyons fermement que vous savez que le Gabon est un pays où la
corruption, les détournements de deniers publics, l’enrichissement illicite ont
été érigés en principes de gouvernement.
Nous sommes convaincus que vous savez que la justice gabonaise est
instrumentalisée à des fins politiques et personnelles.
Nous sommes convaincus que vous savez que la presse est l’objet de
harcèlement et de répressions systématiques de la part d’un Conseil National de
la Communication aux ordres.
Nous sommes convaincus que vous avez entendu parler de cette pratique
barbare de sacrifices humains pudiquement nommée "crimes rituels".
Oui, nous sommes convaincus que vous savez que depuis l’avènement d’Ali Bongo
au pouvoir, nous assistons à une recrudescence des crimes rituels dont les
coupables et les commanditaires jouissent d’une impunité totale. Devons-nous
vous signaler que ces crimes consistent à prélever, à vif, les organes d’un
individu (yeux, langue, clitoris, poumons, cœur, sang…) à des fins fétichistes
?
Nous savons que les crimes rituels sont commandités par les hommes du
pouvoir, à la recherche de la gloire, du pouvoir et de l’argent. Devons-nous
vous indiquer que des ministres du gouvernement actuel, réputés proches parmi
les proches d’Ali Bongo, ont été nommément cités dans ces affaires sans que ce
dernier ne s’en émeuve le moins du monde ? Qu’en avril 2013, le
gouvernement a interdit l’organisation d’une marche pacifique de la société
civile contre ces sacrifices humains, et que les forces d’oppression ont
dispersé et gardé à vue les manifestants de celle qui s’est, malgré tout, tenue
le samedi 11 mai 2013 ?
Nous vous informons que notre lutte contre le fléau des crimes rituels au
Gabon nous a valu le soutien des cyberactivistes Anonymous dans un message
d’avertissement envoyé le 13 avril 2013 au pouvoir, et que nous continuons à
nous battre pour que justice soit faite.
Nous en sommes donc à nous demander quel sens prendra votre présence au
Gabon. Nous en sommes à nous demander quelle part les cautions d’Ali Bongo
réservent-elles au respect des droits des citoyens et de la vie humaine. Nous
en sommes à nous demander si les valeurs que vous professez ont une portée
universelle, si ce qui est valable sous d’autres latitudes l’est aussi chez
nous. Comment devons-nous interpréter le fait que vous soyez prêt(e) à venir
cautionner un pouvoir illégitime, brutal, anti-démocratique et qui prive de
nombreux Gabonais de leurs droits civils et politiques au seul prétexte qu’ils
ont affirmé haut et fort leur opposition à une dévolution monarchique du
pouvoir ?
Comment expliquer que vous soyez indifférent(e) au sort de nos enfants égorgés à des fins
fétichistes ? Comment expliquer que l’on puisse fermer les yeux devant le
fait que nos enfants s’entassent dans des salles de classes de plus de cent
élèves, qu’Ali Bongo n’ayant pas jugé utile de construire une seule école depuis
son accession au pouvoir en vienne à réquisitionner les vestiaires d’un stade
de football en guise de salles de classe ?
Comment comprendre que vous soyez prêts à vous associer à une manifestation
onéreuse dans un pays où des femmes accouchent encore à même le sol et où les
étudiants de l’unique université du pays étudient dans des conditions plus que
déplorables (cf. reportage de France 24, Les
Observateurs, diffusé le 6 avril 2013) ?
Convaincus que vous portez en vous les nobles valeurs d’humanité, de liberté,
d’égalité de chances et que vous placez la dignité humaine au-dessus de tout,
nous vous demandons d’examiner, en conscience, l’opportunité de votre
participation au NYFA.
Nous en appelons à votre conscience, à votre humanité et vous demandons de
renoncer à prendre part à cet événement qui n’est que pure opération de
communication à la gloire d’Ali Bongo. Sauf, bien entendu, si vous estimez que
les retombées des deux premières éditions du NYFA sont pertinentes et
tangibles. Pour notre part, nous ne voyons absolument pas en quoi ces éditions
ont profité aux peuples du monde, d’Afrique ou du Gabon. Nous savons que vous
avez le sens de l’Histoire et vous demandons d’analyser la portée historique de
votre participation à cet événement. Parce que le peuple gabonais serait très
honoré de vous accueillir en d’autres circonstances, nous affirmons que votre
participation au New York Forum Africa sera, pour nous, une prise de position
ouverte contre ce peuple.
Cette lettre peut vous sembler familière car son contenu est sensiblement
celui de celle de l’année dernière. Rien d’étonnant à cela, car la situation
n’a absolument pas changé. Bien au contraire !
Nous nous engageons à nous mettre systématiquement au travers de l’arnaque
orchestrée par M. Attias au profit d’Ali Bongo et des leurs.
Pour la bonne règle, nous vous informons que le contenu de la présente sera
communiqué à la presse et aux organisations de la société civile et de défense
des droits de l’Homme à travers le monde.
Nous espérons que vous comprenez notre démarche.
Veuillez agréer, Madame, Monsieur, l’expression de nos salutations
distinguées.
Pour la
Dynamique Citoyenne Gabonaise (DCG), Simon NDONG EDZO, Coordonnateur –
contact : +241 06 87 15 49
Pour le mouvement citoyen « ça suffit comme ça », Marc ONA
ESSANGUI, Prix Goldman 2009 - contact : +241 07 29 41 40
Pour le Front des Indignés du Gabon, Blanche SIMONNY ABEGUE, Présidente du
3ème Forum des Indignés - contact : +241 06 49 08 39
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