Lettre ouverte du
Front des Indignés du Gabon à S.E.M. Laurent FABIUS, Ministre des Affaires
étrangères et du Développement
international de la République française à l’occasion de sa participation au
New York Forum Africa
Monsieur le Ministre,
A la veille de la 3ème édition du New York Forum Africa au
Gabon, prévue de se tenir du 23 au 25 mai 2014, nous venons dénoncer votre
participation à cette mascarade qui consacre le déni, par les hautes autorités
françaises, de l'aspiration légitime du peuple gabonais à rêver d'une vie
meilleure. Car, c’est avec des fonds publics que M. Richard Attias invite des
centaines de personnes au Gabon depuis 3 ans pour tenter de redorer l'image
d'un dictateur et de son régime prédateur.
Nous savons que la famille Bongo entretient, depuis des décennies,
d’étroites relations occultes avec des personnalités françaises dont elle
finance les campagnes électorales avec l’argent du contribuable gabonais alors
que la très grande majorité du peuple croupit dans la misère.
Nous vous rappelons l’engagement du Président François Hollande lors
de la campagne présidentielle française de se démarquer de la
« Françafrique ». Il s’est fait le héraut de l’Etat exemplaire. Votre
présence au Gabon dément cette position. Déjà en juillet 2009, en pleine
campagne électorale de la présidentielle, vous avez essuyé des critiques au
sein même de votre parti en allant rencontrer Ali Bongo au détour d'une
conférence à Libreville alors que la ligne de votre parti était de se démarquer
des dictateurs africains. Aujourd’hui, de nombreux Africains vous présentent
comme le gardien du temple de la « Françafrique » au sein du
gouvernement français.
Au moment où une guerre civile ravage la Centrafrique du fait de
l’entêtement des autorités françaises à soutenir les dictateurs qui se sont
succédé dans ce pays, vous continuez à porter à bout de bras un régime familial
identique au Gabon.
Pourtant
dans votre entretien au journal Le Monde du 29 mai 2012, vous affirmiez, entre
autre, que le gouvernement français « croit à des principes comme le
respect des droits de l'Homme, la démocratie, le développement durable,
l'internationalisme, la recherche de la paix. »
Dès
lors, devons-nous en déduire que vous foulez aux pieds vos sacro-saints
principes au seul profit des intérêts des entreprises françaises sans
aucun égard pour les populations ? Dans ce contexte, êtes-vous certain qu’Ali
Bongo soit le meilleur garant des intérêts français au Gabon au détriment des
droits de populations ?
En participant au NYFA, vous acceptez, encore une fois, de servir de caution à Ali Bongo qui,
devons-nous vous le rappeler, n’a pas été élu par le peuple gabonais. A ce
sujet d’ailleurs, le parti socialiste avait pris soin de publier un communiqué
signé de M. Cambadelis pour dénoncer ce coup d'Etat électoral.
Devons-nous vous rappeler également qu’Ali Bongo a succédé à son père,
qui a régné sans partage pendant quarante quatre ans sur le Gabon, grâce au
soutien de la France et d’institutions et d’une armée aux ordres ?
Savez-vous que le président de la Cour constitutionnelle, c’est-à-dire le juge
des élections, est une maîtresse officielle du père d’Ali Bongo ? Que
l'actuel Ministre de la Défense est son propre neveu ? Qu'Ali Bongo est
Président du Conseil de la magistrature et que le monde de la justice est
traversé par des scandales de tous ordres : détournements des deniers
publics, crimes rituels et de bonnes mœurs sans que les auteurs ne soient
sanctionnés par lui ?
Si, malgré notre lettre, vous venez au Gabon,
nous aimerions que vous ayez le courage de demander à Ali Bongo de vous
accompagner dans les structures hospitalières de Libreville pour vivre en
direct l'agonie des malades en manque du strict minimum pour se soigner et même
d’eau ! Les effets d'annonce et autres slogans du style « prise en
charge des urgences » ne changent rien à la réalité quotidienne. Les
sommes englouties par Ali Bongo dans ce show, avec son communicant Richard
Attias depuis trois ans auraient suffi à venir à bout de ce crime
volontairement commis contre tout un peuple dont le malheur est d'avoir à sa
tête depuis cinq décennies une famille de prédateurs.
Vous avez certainement entendu parler de la pratique barbare des
crimes dits rituels. En effet, depuis la prise de pouvoir d’Ali Bongo, nous
assistons à une recrudescence d’assassinats à des fins fétichistes commis en
toute impunité des auteurs et des commanditaires. Ces crimes consistent à
prélever, à vif, les organes vitaux d’un individu (yeux, langue, sexe….) afin
d’obtenir pouvoir, puissance, argent et gloire. Nous savons que les crimes
rituels sont commandités par les hommes au pouvoir parmi lesquels ses propres
amis qui sont protégés par une justice aux ordres malgré de nombreuses
citations à la barre.
Nous vous informons qu’à ce propos, notre lutte contre ce fléau nous a
valu le soutien des cyberactivistes « Anonymous » dans un message
d’avertissement envoyé le 13 avril 2013 au pouvoir, et nous continuons à nous
battre pour faire triompher la justice.
Comment expliquer que l’on puisse fermer les yeux devant le fait que
nos enfants s’entassent dans des salles de classes de plus de cent élèves,
qu’Ali Bongo n’ayant pas jugé utile de construire une seule école depuis son
accession au pouvoir en vienne à réquisitionner les vestiaires d’un stade de
football en guise de salles de classe ?
En décembre 2013, des centaines d’élèves sont descendus dans la rue
pour soutenir leurs enseignants en grève pendant deux mois. Pour toute réponse
à leurs revendications légitimes, Ali Bongo leur a envoyé un contingent de
militaires pour les mater…
Savez-vous qu'un cantonnement de gendarmerie a élu domicile dans
l'enceinte de la plus vieille université du Gabon, en violation des franchises
universitaires ?
Au Gabon des Bongo, malgré l’exploitation des ressources naturelles
depuis au moins cinq décennies, des femmes accouchent encore à même le sol, et
les étudiants de l’unique université du pays étudient dans des conditions plus
que déplorables (cf. reportage de France 24, Les Observateurs, diffusé le 6
avril 2013).
Tout cela, vous ne pouvez pas ne pas le savoir, M. Fabius !
Convaincus que vous portez en vous les nobles valeurs d’humanité, de
liberté, d’égalité de chances, et que vous placez la dignité humaine au-dessus
de tout, nous vous demandons d’examiner, en conscience, l’opportunité de votre
participation à l’imposture de M. Richard Attias.
De fait, nous vous demandons de renoncer à prendre part à cet
événement qui n’est que pure opération de communication à la gloire d’Ali
Bongo.
Nos priorités sont l’éducation, la santé, le logement. M. Bongo et son
gouvernement seront incapables de vous montrer leurs réalisations, ne fusse que
dans ces domaines en presque 5 ans de règne absolu.
Pour la bonne règle, nous vous informons que le contenu de la présente
sera communiqué à la presse nationale et internationale et aux organisations de
la société civile et de défense des droits de l’Homme à travers le monde.
Nous espérons que vous
comprenez notre démarche.
Veuillez agréer,
Monsieur le Ministre, l’expression de nos salutations distinguées.
Fait à Libreville, le 10 mai 2014
Pour la Dynamique Citoyenne Gabonaise (DCG), Simon NDONG EDZO,
Coordonnateur – contact : +241 06 87 15 49
Pour le mouvement citoyen « ça suffit comme ça », Marc ONA ESSANGUI,
Prix Goldman 2009 - contact : +241 07 29 41 40
Pour le Front des Indignés du Gabon (FIG), Blanche SIMONNY ABEGUE,
Présidente du 3ème Forum des Indignés - contact : +241 06 49 08 39
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