samedi 18 octobre 2014

#Gabon: Lettre du journaliste Jonas Moulenda aux jeunes Gabonais: si jamais je tombe, poursuivez le combat!


Aux jeunes de mon pays
 
SI JAMAIS UN JOUR JE TOMBE EN CHAMP D’HONNEUR

J’ai raté quelques marches d’escaliers ces dernières années, mais je ne suis pas tombé. Je suis toujours resté debout. Je suis fier de savoir que vous demeuriez mes piliers pour que je ne tombe pas en champ d’honneur. 

J’ai survécu à toutes les tentatives d’élimination physique, aux chasses-trappes de l’histoire et à la trahison. Je suis resté debout au pays, pendant que d’autres, pour échapper à la furie des tortionnaires du pouvoir, allaient se refugier à l’étranger. 

J’ai appris que des plans machiavéliques sont en train d’être mis en place contre moi en vue des tirs groupés en direction du Gavroche que je suis. Si jamais un jour je tombe en champ d’honneur, sous les balles ou couteaux empoisonnés du régime criminel qui nous gouverne, enterrez-moi dignement, essuyez vos larmes et poursuivez le combat pour sortir notre pays de l’ornière. 

On peut tuer toutes les hirondelles mais on n’empêchera pas l’arrivée du printemps. Si jamais un jour, je tombe en champ d’honneur, accélérez la révolution gabonaise, qui est déjà marche. Elle doit être menée par vous. Si je tombe en champ d’honneur, assassiné par des mercenaires du pouvoir, n’attendez pas un hypothétique bien-être sous prétexte que vous êtes jeunes et avez l’avenir devant vous. C’est comme si pendant que les aînés vivent leurs rêves, le temps doit s’arrêter pour les jeunes, qui doivent au mieux, rêver leurs vies.

Si jamais un jour je tombe en champ d’honneur, vous ne pouvez compter que sur vous-mêmes parce que ceux-là qui devaient vous montrer la route à suivre se sont disqualifiés par des compromis et des compromissions qui font d’eux de simples exécutants de donneurs d’ordres et de leçons. Leur survie dépendra de votre maintien dans l’ignorance et la résignation.

Si jamais un jour je tombe en champ d’honneur, n’oubliez pas que nos ancêtres ne comptaient que sur eux-mêmes et géraient notre pays à notre image et conformément à nos valeurs. Pensez que le salut du Gabon ne viendra que de vous et non d’ailleurs. C’est par la lutte contre nos satrapes au pouvoir et par notre combat que vous réussirez à changer le pronostic fait sur notre pays.

Si jamais un jour je tombe en champ d’honneur, votre rôle historique sera d’animer la révolution en marche. Vous serez appelés au secours de votre pays qui offre au monde le spectacle désespérant et humiliant de l’incapacité absolue à exister par lui-même. Votre engagement politique constituera pour vous une occasion de construire votre espérance. La démocratie sera la fin et le moyen de la transformation sociale. 

Elle garantira l’égalité entre les citoyens dans les choix politiques. Elle sera le seul moyen de permettre au peuple de décider librement de son destin collectif. Le débat démocratique sera le seul moyen de dégager l’intérêt général. Votre engagement ne sera plus dans les combats menés par une certaine classe avant-gardiste éclairée, mais plutôt dans la conviction et dans la confrontation des opinions. 

Si jamais un jour je tombe en champ d’honneur, la démocratie ne devra plus s’arrêter au droit de vote, mais devra se manifester dans toutes les sphères de la vie économique et sociale. Votre engagement sera vers une lutte plus exigeante dans la participation au calcul du consentement collectif. N’hésitez pas de présider au destin de notre pays sans moi.

Si jamais un jour je tombe au champ d’honneur, souvenez-vous du rêve de Nelson Mandela et tutti quanti. Il vous faudra des êtres de chair et de sang que des strapontins fabriqués par des multinationales et des forces occultes. Il vous faudra des dirigeants qui vous feront rêver par leurs qualités humaines, leur action contre l’exploitation et l’injustice et par plus de solidarité. 

J’ai toujours été prêt à affronter les épreuves qui touchent ma société. Si jamais un jour je tombe en champ d’honneur, j’espère seulement avoir du temps pour faire un petit inventaire intérieur qui se résumera en une seule question: « Ai-je mené une vie utile ? » C’est là l’intérêt de mon engagement dans la lutte, sur un terrain montagneux où se confrontent motifs d’inquiétudes et raisons d’espérer. Les persécutions ne vont à Pâques ou à la Trinité me détourner de la voie que je crois juste. Je serai toujours animé par la même conscience.

Plus puissante que les conditions de mort auxquelles je serai peut-être soumis un jour, il y a la haine de la pauvreté. La pauvreté dépossède l’Homme de son identité. C’est cette conscience qui m’anime dans la lutte. Pendant des années, il ne m’a pas été facile de mener l’existence d’un jeune homme continuellement exposé au hasard d’être envoyé à la mort. Vivre tue l’Homme. Si le ventre de ma mère était un asile inviolable, j’y serais resté pour éviter de tomber en champ d’honneur. 

Jonas MOULENDA





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