Libreville, le 7
juin 2013
Droit de réponse à
la lettre ouverte de M. Richard Attias parue dans « Gabon Matin » du
5 juin 2013 et L’Union du jour adressée au mouvement «ça suffit comme ça».
Monsieur Richard Attias,
Au lendemain de l’annonce, par tous les médias, y compris
ceux à la solde du pouvoir, de la découverte, à Libreville (dans les locaux du
Centre de formation professionnelle Basile Ondimba), d’un sac de 50 kilos
d’organes humains, vous avez jugé pertinent de nous adresser une lettre ouverte
pour tenter de discréditer notre engagement citoyen destiné, entre autres, à
mettre fin à des pratiques barbares telles que le sacrifice humain, banalisées
et normalisées dans notre pays.
Oui ! Nous
entendons bien profiter de l’aubaine que nous offre votre New York Forum Africa
– financé à grands frais par les contribuables gabonais que nous sommes – pour
faire entendre nos critiques et contestations, nos cris, nos pleurs, notre
douleur, notre indignation. « Votre »
( ?) communauté internationale (personnelle ?) est influente. Certes.
De bonne moralité ? Il n’y a qu’au Gabon qu’un individu peut se permettre
une telle injure aux peuples en lutte pour leur dignité et leur survie.
Le fait qu’un people
manager qui vit du ralliement onéreux de « centaines de personnalités économiques, politiques, lauréats de Prix
Nobel… » achète une page entière de deux quotidiens pour nous adresser
une lettre ouverte est une reconnaissance implicite de notre potentiel.
Monsieur Richard Attias,
Vous bénéficiez d’une présomption d’intelligence. Aussi,
concernant votre lettre ouverte, le communicateur éminent que vous êtes, a
certainement jugé pertinent de « descendre » à ce qu’il croit être le
niveau des Gabonais. Mais, M. Attias, tous les Gabonais n’ont pas le niveau de
vos amis prédateurs de la République ! Amicalement, nous vous suggérons de
nous adresser une lettre ouverte plus sérieuse et mieux construite.
Pour votre information, le Front des Indignés du Gabon (FIG) est, comme
son nom l’indique, un front. Il fédère autour d’un objectif commun des entités
aux profils et centres d’intérêts divers : associations, formations
politiques, syndicats, corporations professionnelles, individus non affiliés…
Tout le corps social de notre pays est représenté dans le FIG. Il n’est pas le fait
du seul collectif Ça suffit comme ça. Venez donc défendre votre imposture au
Forum des Indignés.
Vous nous accusez d’avoir porté atteinte à votre personne et
à celle de votre épouse, et vous vous vantez de nous avoir fait peur de
débattre avec vous. Nous voudrions que vous nous indiquiez un seul communiqué
du Front des Indignés qui ait détourné le débat citoyen pour en faire un débat
de personnes, et que vous nous rappeliez dans quelles conditions vous avez officiellement
invité le Front des Indignés à un débat. Vous voulez débattre ? Nous
sommes prêts. Où et quand vous voulez. Y compris au sein de votre forum, si
cela vous rassure. Étant donné votre négation manifeste du génie gabonais, nous
vous offrons cette occasion délectable de prouver à notre peuple et à
« votre » opinion internationale que c’est vous qui avez raison.
Vous nous
accusez de médisance. En quoi ? Parce que nous dénonçons les sacrifices
humains que même vos clients reconnaissent, puisque Sylvia Bongo elle-même a
organisé une marche de protestation contre cette barbarie ? Parce que nous
dénonçons le réflexe patrimonicide (utilisation du patrimoine public à des fins
personnelles) lorsqu’Ali Bongo et son entourage immédiat dépensent des
milliards de francs en bijoux, haute couture, voyages d’agrément, et qu’ils
collectionnent palais et limousines de grand luxe, pendant qu’ils démolissent
des hôpitaux, que les Gabonaises accouchent à même le sol à Libreville, que nos
enfants nés par terre sont assis par terre à l’école ? Médisance lorsque nous
disons que les lois sont iniques car elles ne défendent pas les droits
élémentaires du citoyen et mettent le cercle fermé du pouvoir au-dessus du
peuple qui ne dispose pas de sa terre, de sa libre opinion, de sa libre
expression, de l’accès à une justice équitable ?
Médisance lorsque nous déplorons que les forces de défense
et de sécurité ont pour seule et unique mission, non pas d’assurer la sécurité
des biens et des personnes, mais de servir de bras séculier à un régime
dictatorial ?
La teneur de votre lettre ouverte, en elle-même, légitime
notre ferme opposition à votre imposture et à votre détermination à déchirer
les pages du grand livre de notre histoire que nous sommes en train d’écrire,
lorsque vous prétendez penser le Gabon à notre place et mieux que nous. En
effet, à force de fréquenter les forces obscures qui vous payent grassement
avec l’argent du développement qui nous est volé, vous finissez par vous
installer dans les mêmes dispositions mentales. Vous avez, vous-même, reconnu
que votre forum allait coûter près de 4 millions d’euros, soit près de 2,5
milliards de francs CFA. Avec une telle somme, savez-vous combien de salles de
classes ou de lits d’hôpitaux l’État gabonais aurait pu se doter ? Certainement
pas, car vous êtes parfaitement « étanche » à ce type de
considérations.
Votre client Ali Bongo crie à tue-tête que le
Gabon est un pays émergent. Nous ne serions pas étonnés que vous relayiez ce
postulat puéril auprès de votre « communauté
internationale » (sic). C’est ainsi que vous postulez, sans en
apporter la moindre illustration et sans en décrire la moindre tangibilité, que
des « échanges » et des « partages d’expérience » de
votre forum «naissent des volontés, des
décisions d’investissement, mais aussi et surtout des solutions aux problèmes
posés dès lors que ceux-ci le sont dans un cadre d’honnêteté intellectuelle et
dans un esprit critique, positif et constructif ».
Vos propos illustrent magistralement le respect singulier
que vous avez pour la critique. Ils reflètent également votre degré « d’honnêteté intellectuelle »
lorsque, en prenant soin de ne pas préciser lesquels, parce qu’ils n’existent
pas, vous déclarez que le New York Forum Africa 2012 « a permis d’initier de nombreux projets de
développement dont certains seront officiellement lancés dans les prochaines
semaines, sans parler des multiples secteurs de l’économie locale qui
bénéficient de la tenue de cet évènement et de ses effets induits.» Et
pourtant, cela crève les yeux : les 5 points de la déclaration finale du
NYFA 2012 ne sont qu’un entrelacs de flou rhétorique, de truismes péremptoires
et de pieuses fariboles sans aucune identification et dont les grands
économistes, financiers et décideurs de ce monde réalisent l’exploit d’être
« concrets » sans avancer un seul chiffre. Nous comprenons pourquoi
vous affirmez que « le Gabon est un
business model .»
Le 10 mai dernier, vous avez, avec un incroyable aplomb, osé
déclarer qu’il y a eu « la création
de 9000 entreprises au Gabon en 2012 ». Vous avez sans doute voulu
parler de « 9000 entreprises de
sacrifices humains » appelés pudiquement crimes rituels, car c’est le
seul domaine où le Gabon d’Ali et Sylvia Bongo Ondimba est véritablement
émergent.
« Bouche de miel, cœur de
fiel » dit un proverbe touareg. M. Richard Attias, pour qui nous
prenez-vous ? Pour les militants du PDG emmurés dans les travers de la
tradition orale qui, parce qu’ils l’ont entendu marteler par ceux dont ils
ramassent les miettes, se vantent que le Gabon est un pays émergent, alors
qu’il n’a pas le plus petit dénominateur des infrastructures de base, qu’il
importe son alimentation, qu’il a de l’eau partout sauf dans les robinets,
qu’il a du pétrole (votre nouveau business), de l’uranium, du vent et du soleil,
mais qu’il rationne quotidiennement l’électricité, que les prédateurs à la tête
de l’État sabotent délibérément l’enseignement public pour que la dynastie se
perpétue, que le délabrement de notre système sanitaire est tel que ces mêmes
prédateurs sont contraints d’aller se soigner et même mourir à l’étranger ?
Pour qui vous prenez-vous, M.
Richard Attias, pour mépriser et provoquer le mouvement revendicatif d’un pays
qui n’est pas le vôtre, et dont vous ne connaissez que le clinquant
ostentatoire du palais présidentiel ? Sauf à considérer – et c’est manifeste
– que vous avez pris fait et cause pour l’oligarchie qui confisque notre
légitimité avec violence et opiniâtreté.
Qui a bien pu vous faire croire que vous avez la moindre
légitimité pour nous donner des leçons et pour prétendre nous remettre dans les
rangs ? M. Richard Attias, retenez bien cette sagesse africaine : « Une pirogue n'est jamais trop grande pour
chavirer.» Donc, gare !
Vous n’êtes pas le premier mercenaire multinational à
prétendre nous dicter nos opinions et nos choix d’actions sous prétexte que
vous mangez dans la main d’un roi nègre qui considère le Gabon comme un
héritage patrimonial, et les Gabonais progressistes comme des hérétiques
uniquement destinés aux fers, au gibet, au flagelle et au tisonnier. Le Gabon
ne sera jamais le Maroc (un royaume), et Ali Bongo ne sera jamais le roi ni le
Commandeur théocratique de personne.
Enfin, au regard de l’extrême fatuité de votre lettre
ouverte, nous ne pourrions terminer sans vous exprimer notre profond remord
d’avoir pu, un temps, vous prêter – à tort – quelque stature.
Nous ne vous saluons pas.
Pour ça
suffit comme ça
Marc ONA
ESSANGUI
Prix Goldman