dimanche 16 août 2015

#Gabon-Crimes Rituels: MOUILA A PEUR

Reportage
MOUILA A PEUR

Le chef-lieu de la province de la Ngounié (Sud du Gabon) peine à devenir une ville saine et rassurante. Elle demeure un véritable coupe-gorge. Des corps parfois mutilés sont régulièrement découverts intra muros et dans des villages environnants. Pis, des personnes disparaissent sans laisser des traces. D’où la psychose qui s’y est amplifiée ces dernières années avec de nouvelles découvertes macabres.

Ce matin, le chef-lieu de la province de la Ngounié semble endormi sur ses lauriers. A Moukoumounabouala, un quartier du 1er arrondissement de Mouila, l’atmosphère est lourde. C’est l’un des terreaux des assassinats avec prélèvement d’organes. Des corps des femmes portant des pieux dans le sexe ont été découverts ces dernières années.

Mouila a peur. Les crimes rituels ont repris après une période d’accalmie consécutive aux nombreuses récriminations et aux menaces des autorités judiciaires. « Nous pensions que les crimes rituels étaient déjà terminés. Malheureusement, ils reprennent de plus belle chez nous. Cela fait peur », se désole Nadège, serveuse dans un hôtel très fréquenté de la ville.

TRAFIC D’ORGANES HUMAINS. Le flou le plus total règne sur les crimes et disparitions enregistrés ces derniers temps dans la cité. Dans un climat de propagande et de forte polarisation des camps politiques, les partisans de l’opposition accusent ceux de la majorité d’être responsables des cette pratique abominable qui ternit l’image de Mouila. «Ils tuent hommes, femmes et enfants et prélèvent des organes sur les corps», se plaint une partisane de l’opposition.


Mouila a peur, les riverains aussi. Dès le crépuscule, nombreux s’empressent à regagner leur domicile. Dans une ville en butte à un manque de taxis, d’aucuns ne se privent pas de battre le macadam pour ne pas être surpris par la nuit. « On n’est plus sûr de personne. Tout le monde se méfie de tout le monde. C’est pourquoi chacun s’empresse de regagner son domicile avant la tombée de la nuit», relève un enseignant du collège Martin Samba, sans se risquer à dire clairement que les commanditaires des crimes rituels circulent librement dans la ville.

Devant l’agence provinciale de la Caisse nationale d’assurance maladie et de garantie sociale (Acnamgs), un homme et une femme sont debout, attendant un proche venu de Libreville, la veille. L’homme s’appelle Pierre Niebana. Il cherche sa fille de 21 ans, Indra-Valène Birondou, élève en 2è année au lycée Nyonda Makita, disparue depuis décembre 2013. Il a multiplié les avis de recherche. Sans succès. La lycéenne demeure introuvable. Depuis lors, les nouvelles les plus contradictoires circulent sur le sort de la jeune fille.

D’aucuns avancent que le corps de cette dernière a été retrouvé en état de putréfaction puis enterré à la demande des autorités judiciaires. D’autres, en revanche, estiment que la lycéenne est séquestrée par des individus sans scrupule. Des thèses contradictoires qui font naître des idées tintinnabulantes dans la tête de M. Niébana. « Je ne dors pas du sommeil du juste depuis la disparition de ma fille. Je la cherche partout. Les autorités judiciaires m’ont rassuré qu’elles feraient la lumière sur cette affaire mais il n’en est rien jusque-là», se désole-t-il, visiblement angoissé.

RESIGNATION. Mouila a peur. La police et la gendarmerie effectuent parfois des patrouilles intra-muros. Mais les trafiquants d’organes humains réussissent souvent à se faufiler entre les mailles du filet. La majorité de riverains, effrayée, préfère rester motus et bouche cousue, espérant secrètement que Dieu mettra le holà à ce phénomène abominable. La résignation est l’attitude la plus partagée à Mouila et ses environs. « Il n’y a que Dieu qui peut toucher les cœurs des commanditaires et exécutants des crimes rituels », l’Abbé Gabriel Nganga Biapandou, un prêtre du diocèse de Mouila désormais affecté à Dibwangui.

Le malaise s’est amplifié depuis 2011 avec l’assassinat de l’adjudant chef major Marcel Mayombo, 48 ans. Son corps mutilé avait été retrouvé à Nanga, une bourgade du département de la Dola (Ndendé), située à 42 km de Mouila, où il s’était rendu avec ses frères d’armes pour des manœuvres militaires. Quelques mois plus tard, un gendarme à la retraite avait été enlevé nuitamment de son domicile à Moukoumounabouala, un quartier de Mouila.

Depuis lors, son corps n’a pas été retrouvé, nonobstant l’enquête ouverte par les autorités judiciaires.
Mouila a peur, ses environs aussi. Quand les trafiquants d’organes humains ne sévissent pas intra-muros, ils se replient dans certaines villes de la province où la vigilance est moins accrue. C’est ainsi qu’un homme de 68 ans, Théophile Ndemé Kola, avait été zigouillé puis délesté de ses organes à Mbel-Naltembé, bourgade située à une trentaine de kilomètres de Lébamba, le chef-lieu du département de l’Ogoulou, en juin dernier.

JONAS MOULENDA
Journaliste gabonais en exile en France, ECHOS DU NORD

16/08/2015


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