jeudi 23 mai 2013

#Gabon: Emergence, le riche concept qui ne paye pas




Emergence, le riche concept qui ne paye pas

Côté pile, le Gabon macroéconomique et ses résultats dignes de gurer dans les manuels - très en vogue - de "l’Afrique qui gagne" : la croissance devrait s'établir à 5,5% en 2013 (7,2% en 2012), contre 2% en moyenne sous l’ère Omar Bongo. Ce pays dispose par ailleurs de plus de six mois de réserves de change, ache un endettement extérieur modéré et un PIB par habi- tant de 10 000 $. L’envers du décor est beaucoup moins atteur. Alors qu’Ali Bongo multiplie les chantiers dans le cadre de sa "politique de l’émergence", l’Etat gabonais, à cours de cash, dispendieux et mal géré, peine à nancer la plupart des projets. Le stade de la faisabilité est rarement dépassé, ce qui confère au chef de l’Etat le sobriquet de "président des maquettes". A cela s'ajoute un climat d'aaires défavorable, qui contraint actuellement nombre d'entreprises à réduire la voilure. Quand elles ne menacent pas de quitter le pays. Enquête.

Réveil douloureux après la CAN. 

Bien qu'elle ait été un succès sur le terrain, la Coupe d’Afrique des nations organisée en 2012 illustre les profondes carences de l’Etat dans la gestion des nances publiques. Mobilisées sur cette manifestation, les entreprises nationales de BTP n'ont toujours pas recouvert la totalité de leurs créances. L'ardoise dépasse 100 milliards F CFA. De nombreux opérateurs locaux (Entraco, Socoba-EDTPL, etc.) sont sous pression. Pour se faire régler, d'autres groupes n'hésitent plus à passer par le "circuit court" (terme utilisé pour décrire la possibilité de faire avancer un dossier au Trésor en soudoyant les fonctionnaires).

L'énergie sous tension.

Les grands groupes internationaux sont aussi victimes du climat ambiant. Bouc-émissaire du régime et cible favorite de la presse gouvernementale, la SEEG, liale de Veolia (51%), ne parvient pas davantage à se faire payer. Le 13 mai, elle a même eu droit à une violente sortie d’Etienne Ngoubou. Le ministre de l’énergie a clairement soulevé l'hypothèse de la dénonciation de la convention de concession signée en 1995 avec le groupe français. Dès 2014, le gouvernement entend créer une société de gestion du patrimoine dans le domaine énergétique avec une prédominance de capitaux nationaux. En attendant, la SEEG attend quelque 12 milliards F CFA correspondant au forfait de distribution gratuite d'eau prise en charge par l'Etat. Un échéancier a été signé début avril avec le gouvernement de Raymond Ndong Sima. Mais les autorités refusent de l'honorer… D'autres sociétés ne sont pas mieux loties. Après la construction de la centrale thermique d'Alénakiri (70 MW), l'israélien Telemania rechigne à eectuer l’entretien courant face à l'ampleur de ses créances. Emblématique de cet environnement dégradé : des groupes internationaux comme le géant de l’agro-industrie Olam, pourtant prompt à mettre en avant ses réalisations au Gabon, vient de reporter la construction d’une usine de fertilisation à Port-Gentil, seconde ville du pays.

Perspectives pétrolières troubles.

La situation n’est guère plus reluisante dans le pétrole. Les autorités sont animées du souci de faire monter les intérêts nationaux. Légitime. Mais la manière forte utilisée déstabilise durablement ce secteur stratégique, tout en raidissant les investisseurs étrangers. Le Gabon s'apprête d'ores et déjà à connaître un retentissant procès devant la CCI, à Paris, pour avoir réquisitionné en 2012 le champ Obangue opéré par Addax. Cette chasse aux sorcières et les grèves à répétition expliquent en partie la baisse des résultats de Total Gabon. Opérateur historique, le groupe français ache au premier trimestre un repli de son chire d'aaires (- 6%, à 390 millions $) et de son résultat net (- 4%, à 73 millions $). Signe de crispation, Petro-Gabon menace de ne plus approvisionner certaines centrales suite à des impayés. Enn, s'il répond à une stratégie plus globale de désengagement du continent africain, le départ de BHP Billiton du Gabon s'explique surtout par sa lassitude à attendre l'établissement d'une convention lui permettant d'opérer le gisement de fer de Belinga (300 000 tonnes/an).

Source: La Lettre du Continent No 659, 22 Mai 2013.


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