dimanche 10 juillet 2011

Gabon : Lettre de la Société civile aux Évêques des pays d'Afrique centrale

Lettre ouverte de la Société Civile gabonaise aux Evêques des pays membres de l’Association des Conférences Episcopales de la Région d’Afrique Centrale (ACERAC)

Chers Pères dans l’Episcopat de l’Eglise qui est en Afrique Centrale,

Durant son voyage missionnaire en Angola, le 20 mars 2009, le Pape Benoît XVI s’est prononcé ouvertement en faveur des différentes initiatives dont la vocation est de promouvoir les pratiques saines en matière de gestion des affaires publiques, de bonne gouvernance et  de lutte contre la corruption. Parmi elles, le (NEPAD), le Processus de Kimberley, la Coalition Publiez Ce Que Vous Payez et l’Initiative de Transparence des Industries Extractives.

En effet, l’Afrique centrale est potentiellement  la région du continent la plus riche en ressources minières, mais paradoxalement la plus pauvre et la moins développée.

D’après les spécialistes, deux phénomènes expliquent cette situation catastrophique :

1-     La longévité au pouvoir et le manque de démocratie.
2-    La Corruption généralisée des oligarchies au pouvoir

a)    De la longévité au pouvoir.

Ce phénomène est au cœur du problème.

En effet, le déficit démocratique est la norme dans tous les pays de notre sous région. Les chefs d’Etat sont en moyenne au pouvoir depuis 30 ans, par la force généralement, la répression et la fraude électorale. Les différents mouvements de l’opposition démocratique ne bénéficient pas d’un environnement favorable pour émerger en alternative politique. Toutes les institutions en charge du processus démocratique sont entre les mains des parents ou amis du président fondateur ou du leader historique du parti Etat. En un mot, les libertés démocratiques sont bafouées : opposant emprisonnés, journalistes assassinés, des membres de la société civile tués ou emprisonnés, les marches et autres manifestations publiques de l’opposition et de la société civile sont interdits systématiquement.

b)   La Corruption généralisée des oligarchies au pouvoir

Ce phénomène se traduit par la très grande pauvreté de la population et un déficit chronique en infrastructures essentielles. Les ressources de l’Etat sont détournées au profit d’une clique de dirigeants corrompus qui s’accrochent contre vents et marées au pouvoir au mépris de la souveraineté et du droit à la citoyenneté des peuples tel qu’exprimé et consigné dans la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et des Peuples de 1948. L’affaire des biens mal acquis qui a mis  en lumière les détournements massifs des fonds publics au détriment du développement dans la sous région est révélatrice de la mal gouvernance dont souffre la majorité de nos États.

Au regard de ce constat général, et prenant en compte le  contexte mondial marqué par les profondes mutations caractérisées par la volonté des peuples à aspirer au bien être et à la liberté, la Société Civile gabonaise qui n’est pas en reste de ces aspirations légitimes à la démocratie et à la bonne gouvernance pour plus de justice sociale, saisit l’opportunité de la tenue en ce moment, à Libreville, de la Neuvième Assemblée Plénière de l’ACERAC, pour porter à l’attention de vos Excellences, ce qui suit :

Depuis l’avènement de la démocratie, le Gabon notre pays reste hanté par des maux de tous ordres :

Sur le plan social, le coût de vie a considérablement augmenté, tandis que les conditions de vie n’ont pas du tout changé (plus de 80% de la population croupit en dessous du seuil de pauvreté). Cet état de chose, se traduit depuis 1990 par des soubresauts dans le secteur social, se caractérisant par des grèves incessantes, synonyme d’un malaise croissant sans que cela n’amène le pouvoir PDG en place depuis 43 ans, à revoir sa politique en matière de planification sociale.

Sur le plan politique, la démocratie tant voulu par la Conférence Nationale Souveraine, reste fictive. En effet, depuis 1990, le Gabon ne dispose d’aucun fichier électorale fiable et n’a pu, en dépit d’énormes moyens octroyés à cet effet, jusqu’à ce jour, organiser des consultations électorales sans que celles-ci ne finissent par des contestations violentes aux conséquences souvent dramatiques pour de nombreuses familles gabonaises. Tel est le cas de la dernière présidentielle anticipée qui a plongé le pays dans une crise aiguë.

Sur le plan économique, malgré les immenses richesses que regorge le pays, les retombées ne profitent qu’à une caste d’individus accrochés au pouvoir depuis 43 ans, tandis que la majorité du peuple se meurt dans une misère indescriptible.

Nonobstant ce tableau apocalyptique, l’Eglise du Gabon à l’opposé de ses sœurs d’Afrique en générale, et plus particulièrement celles de l’Afrique Centrale, reste dans un silence coupable  qui fait d’elle, de facto, une complice tacite de l’arbitraire érigé en mode de gouvernance au Gabon. Cette attitude qui contraste avec les missions dévolues à l’Eglise, conformément aux recommandations de  notre Seigneur et Sauveur, Jésus Christ, qui demande à ses apôtres d’être «  la lumière du monde et le sel de la terre » (Mathieu 5 : 13-16).
En effet, comment comprendre que devant «le devoir de Vérité»,l’Eglise du Gabon préfère se taire ? Devant « le devoir de Justice », l’Eglise du Gabon choisit la résignation ?

Toute analyse faite, il nous apparaît opportun de solliciter de vos Excellences une plus grande attention et une forte implication de l’Eglise dans la construction d’une démocratie véritable et l’instauration de la bonne gouvernance au Gabon, tel que l’exige la Société Civile dont l’Eglise est membres à part entière.

Fort de ce qui précède, la Société Civile gabonaise, par la présente, tient à vous informer de sa détermination à faire asseoir une véritable démocratie au Gabon. La déclaration du 29 juin 2011 portant sur le processus électoral et la gouvernance démocratique au Gabon résumé en 13 points est la parfaite illustration de cette volonté :

  1. Reformer fondamentalement la Cours Constitutionnelle ;
  2. Révision de la loi électorale ;
  3. Reformer le Conseil National de la Communication ;
  4. Reformer la commission Électorale Nationale autonome et Permanente (CENAP) en intégrant les membres de la Société Civile ;
  5. Ramener le mandat présidentiel à 5 ans, renouvelable une seule fois ;
  6. Faire voter les militaires hors des casernes comme tous les citoyens et en civile :
  7. Revenir aux élections à 2 tours ;
  8. Procéder au redécoupage électoral en tenant compte du facteur démocratique ;
  9. Impliquer les partenaires au développement dans le processus de transparence électorale ;
  10. Introduire la biométrie dans la confection du fichier électoral :
  11. Ouvrir les médias publics à tous les acteurs de la nation ;
  12. Modifier la Constitution par voie référendaire pour intégrer toutes les réformes ;
  13. Mettre en place une commission tripartite majorité/opposition/Société Civile chargée de la mise en œuvre de toutes les réformes.

Nous pensons à juste titre, que ces 13 propositions énoncées par la Société Civile, sont les conditions sine qua non, pour aboutir à « une alternance politique pacifique sans effusion de sang ». A cet effet, la Société Civile gabonaise vient par le présente lettre ouverte, demander à l’Église du Gabon, en sa qualité d’éveilleur de consciences et d’aiguillon de la société à reprendre sa place historique afin de faire aboutir ce combat pour la justice sociale et la bonne gouvernance, gage du développement harmonieux du pays et du bien être du peuple gabonais.

A la suite de sa Sainteté le Pape Jean Paul II, le grand Apôtre des temps modernes, défenseur infatigable des opprimés, « n’ayez pas peur »,« rentrez dans l’espérance », « Église du Gabon lève toi et marche ! ».

Sur ce, puisse l’Éternel notre Dieu vous bénir et vous permettre un bon retour dans vos Missions respectives, dans la Paix et l’Amour de notre Seigneur, Jésus Christ.

Profonde considération.

Fait à Libreville le 9 juillet 2011

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