dimanche 6 mars 2011

Un journaliste de l'Union écrit au 1er ministre Gabonais, Biyoghe Mba

Monsieur  le  Premier Ministre,

Le journaliste extraverti que je suis ne saurait rester motus et bouche cousue devant les problèmes qui interpellent la conscience collective. Je suis souvent obligé de regretter ce qui aurait été possible, si chacun de nous, du plus petit au plus grand gardien de la République, s’était engagé à remplir sa part de responsabilité. Mais si je pose un problème, qu’on ne me demande pas donc de trouver la solution. Tel n’est pas mon rôle. « Transporter de l’eau n’est pas le problème du panier », disait mon grand père.

Mon rôle est d’informer les citoyens sur la marche de la société, non sans refléter la vie et ses contradictions. Ces derniers temps, il vous est certainement revenu de lire mes articles sur le climat d’insécurité qui règne à Libreville et ses environs. Monsieur le Premier Ministre, il y a un véritable malaise pour lequel les décideurs que vous êtres devez parer au plus pressé. De fait, il ne se passe plus une seule semaine que l’on ne découvre le corps d’une personne assassinée dans un quartier de Libreville. La population s’en émeut souvent, mais le gouvernement que vous dirigez demeure indifférent devant ces actes de barbarie dignes d’une autre époque. Finalement, mon aïeul n’avait pas tort, lui qui disait : « si votre voisin souffre du point de côté, cela ne vous empêche pas de trouver sommeil.»

Ce que je ne comprends pas, c’est le fait que votre équipe gouvernementale fait la politique de l’autruche et pense que la presse fait dans le sensationnel si l’insécurité n’existe pas à Libreville, pourquoi tous vos ministres et vous-mêmes ne vous baladez pas sans escorte dans les rues de Libreville ? Puisque vous avez décidé de descendre régulièrement sur le terrain pour toucher du doigt certaines réalités, je vous suggère de faire un tour la nuit, sans vos gardes de corps, dans les quartiers comme ceux du PK8, PK7 ou PK12. Puisque c’est le plus proche de Bikélé, pour y prendre un verre. Vous vous rendrez compte à quel point les riverains souffrent de l’insécurité. «  Si tu penses que le pain ne souffre pas de chaleur dans le four, prends sa place », disait d’ailleurs mon papy.

Monsieur le Premier Ministre, dans certains quartiers de la capitale, on vit désormais vingt-quatre heures  renouvelables. Si un riverain réussit à échapper aux bandits aujourd’hui, le plus dur reste demain. Sortir de chez soi la nuit est devenu un acte suicidaire. Vous vous rendez compte ! Pourtant, il y a quelques années, Libreville était un havre de paix, ou chacun pouvait boire son vin, dormir dans le caniveau avant d’être tiré intact du sommeil le lendemain par la pâle lueur du jour. Celui qui pose un tel acte aujourd’hui se retrouve zigouillé et dépecé tel un gibier. Mais la situation est grave ! Il faut qu’une action plus résolue soit vite menée dans le sens de la lutte contre l’insécurité. Si la politique adoptée en la matière a montré ses limites, il faire sa remise à plat. Je me souviens encore de cette sagesse de mon grand-père, qui disait : « faire demi-tour ne donne pas des maux de reins au margouillat. »

Pourquoi avons-nous souvent honte de revenir sur nos décisions même lorsqu’on se rend qu’elles sont mauvaises ? Il n’y a pas une réelle politique de sécurité par ici. Tout ce que le gouvernement sait faire, à travers le ministère de l’Intérieur, c’est envoyer des flics réguler la circulation dans certains carrefours de la ville et faire des déclarations à l’emporte-pièces lorsque les syndicats et les opposants posent des actes qui fâchent. Est-ce suffisant ? Le jour où un membre du gouvernement se fera agresser par des bandits, les autres citoyens s’en moqueront et n’auront plus une haute idée de lui. Mon aïeul disait : « Quand la plus te mouille, les crapauds se comparent à toi. »

Quand je dis les choses sans fioritures, on m’accuse d’être contre tel ou tel ministre. Mais c’est un faux débat ! Dénoncer les limites des politiques de nos gouvernants ne signifie pas qu’on a une animosité à leur égard. D’ailleurs, mon grand-père pétri de sagesse et de qualité disait : «  Ce n’est pas parce que le coq chante chaque matin qu’on dira qu’il prépare un concours de chants. » L’insécurité est un problème sérieux. Il ne faut pas qu’on le prenne à la légère, comme on le fait jusque-là. Une action plus résolue se doit d’être menée pour réprimer les bandits de tout acabit qui terrorisent de paisibles citoyens et endeuillent régulièrement des familles.

Monsieur le Premier ministre, les crimes enregistrés ces derniers temps dans le périmètre urbain ne sont que des clignotants qui s’allument pour nous avertir que Libreville peut, à terme, devenir un far West si l’on n’y prend pas garde. J’ai appris que les bandits n’hésitent plus à s’attaquer même aux grosses légumes de notre pays. Ce sont de mauvais présages, çà ! C’est toujours mon aïeul qui disait « Quand deux taureaux se battent à côté de ton tabac, c’est qu’ils veulent le gâter ». Je ne sais pas quelle est la réflexion  que vous menez au niveau de la sphère décisionnelle de l’Etat, mais il est urgent pour le peuple de voir venir un signal fort de la part du gouvernement.

Monsieur le Premier ministre, je ne sais pas comment ma lettre sera perçue par les décideurs. Je n’avais nullement l’intention de m’ériger en Don Quichotte. J’ai juste voulu tirer une sonnette d’alarme. Tout le monde étant  exposé à l’insécurité. « Si tu as pour ennemi le vautour, n’accroche pas les intestins de la poule autour de la tête pour entrer dans la forêt », disait mon grand-père.


JONAS MOULENDAS
Journal L'Union du 3 mars 2011
Libreville, Gabon

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