Libreville,
18 décembre 2011 - A l'issue du scrutin des législatives du 17 décembre
2011 et comme jamais avant, les Gabonais ont non seulement respecté le mot
d'ordre de l'opposition en désertant massivement les bureaux de vote, mais ils
ont aussi manifesté leur désarroi et leur mécontentement de la gestion
calamiteuse du Gabon par le pouvoir d'Ali Bongo.
Tout au long de la journée à
Libreville, dans nombre de bureaux de vote, les scrutateurs tuaient le temps en
attendant à l'extérieur de ces bureaux d'éventuels électeurs venant accomplir
leur "devoir civique". Les centres de Louis, de l'Enset, de l'Ecole
normale, comme bien d'autres du 1er arrondissement ont été grandement désertés
par les électeurs de cet arrondissement de Libreville. On estime à 95% le taux
d'abstention dans ces centres.
Dans les autres
arrondissements de la capitale gabonaise, le vote des militaires sortis de
toutes les casernes de Libreville et environs, au 2ème, au 3ème, au 4ème et au
5ème arrondissement, n'a pas réussi à amoindrir le niveau très élevé de
l'abstention estimé à Libreville à 93%. Le plus significatif est venu du centre
de vote de l'école pilote du centre où d'importants contingents de la garde
républicaine en tenue ou en civil attendaient les 15000 fcfa (23€) promis par
leur hiérarchie pour voter. Au centre de vote du lycée Paul Indjendjet Gondjout
des militaires en tenue attendaient eux aussi d'être "motivés" pour
aller voter.
De manière générale à
Libreville, il faut retenir que les centres de vote ont été manifestement plus
fréquentés par les forces de l'ordre et de sécurité en faction ou venant voter
une fois ou plus (?) que par les électeurs qu'on avait pourtant vu envahir les
causeries et autres meeting des candidats du parti au pouvoir.
A l'intérieur du pays, en
particulier dans le Woleu-Ntem, notamment dans les villes de Bitam, Mitzic et
d'Oyem, le mot d'ordre de l'opposition a été très suivi; le taux d'abstention y
est de 92%. A Oyem le centre de vote du lycée Richard Nguema n'avait enregistré
à 17H30 que 7 votants sur les 2000 inscrits. A Bitam, des échauffourées ont
éclaté avec des militants du PDG surexcités et frustrés de la désaffection des
bureaux de vote.
A Mounana dans le
Haut-Ogooué, fief de Zacharie Myboto, président de l'Union Nationale, le taux
d'abstention est de 75% dans la très grande majorité des centres de vote.
Ailleurs dans cette province, à Bakoumba, l'abstention s'est élevée à 63,53%.
Dans la commune de Franceville, des bourrages d'urnes dans le 4ème
arrondissement retardent la compilation des résultats sur ce siège. A Moanda où
le taux d'abstention a dépassé les 70% dans les 2/3 des centres de vote, le
député sortant, JV Leyama, en rupture de ban avec son parti (UN) et son parrain
Zacharie Myboto, a perdu.
Dans le Moyen-Ogooué,
principalement à Lambarené, malgré les centaines de millions déversés dans la
campagne par le candidat du PDG, il n'aura pas réussi à faire déplacer les
électeurs à hauteur des énormes sommes d'argent dépensés. Sur l'ensemble des
centres de vote du 1er arrondissement de Lambarené, le taux d'abstention est de
78%, au 2ème arrondissement le taux d'abstention atteint 72%.
Dans la Ngounié, peu de
chiffres nous sont parvenus pour déterminer l'abstention dans cette province,
le seul indicateur serait les défaites annoncées de Pierre Claver Maganga
Moussavou président du PSD, de Leon Mbou Yembi président du FAR et Louis Gaston
Mayila président de l'UPNR qui avaient dans un premier temps prôné le boycott
des élections pour ensuite se raviser et participer à l'élection, mal leur en
aurait pris? Dans le même contexte, il faut noter la défaite du député sortant
UN de Mbigou D. Kombe Lekambo, qui a perdu alors qu'il n'a pas respecté la
consigne de boycott de son parti pour se présenter en indépendant.
Dans la commune de
Port-Gentil et ailleurs dans la province de l'Ogooué-Maritime, en dehors de
l'abstention importante enregistrée sur l'ensemble des centres de vote et
estimé à 81%, la demie surprise est venue de la défaite de tous les candidats
de l'opposition dont l'ancien maire et président du PDS Séraphin Ndaot, qui
n'ont pas voulu suivre la consigne des autres partis de l'opposition.
Sur la base de ces résultats
provisoires glanés à la sortie des bureaux de vote, le constat général est clair,
c'est une victoire du boycott et de l'abstention à laquelle nous avons
assistée. Ces résultats viennent confirmer la tendance lourde dégagée depuis le
30 août 2009 avec une opposition majoritaire dans l'opinion nationale évaluée à
70% de l'électorat. Les divisions au sein de l'opposition ont toujours été préjudiciables
pour que ces 70% s'expriment concrètement en victoire électorale pour
l'alternance.
L'autre enseignement à tirer
est qu'Ali Bongo n'aura jamais réussi à se faire accepter des Gabonais, car si
tant est qu'il aurait gagné en 2009 avec officiellement 42% des suffrages
(sic), la preuve est faite aujourd'hui que son image et celle de son parti ne
font que se détériorer dans l'opinion gabonaise grâce à la hardiesse et à la
ténacité d'une opposition qui ne faiblit pas malgré ses divisions internes.
Le pouvoir ne pourra pas
faire comme si rien ne s'était passé le 17 décembre 2011, la majorité écrasante
qu'il se sera donné dans un contexte de rejet de la politique du PDG par les Gabonais
n'est qu'un trompe-l'oeil et il le sait. Par ailleurs si l'option était de
marginaliser l'opposition en la privant de tout, on peut croire que le Gabon
rentrerait ostensiblement et progressivement dans un cycle de turbulence aux
conséquences imprévisibles.
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