Comité contre la torture
Observations
finales du rapport initial de Gabon, adoptées par le Comité lors de sa
quarante-neuvième session (29 octobre - 23 novembre 2012
VERSION
NON ÉDITÉE
1. Le Comité a examiné le rapport initial du
Gabon (CAT/C/GAB/1) à ses 1110e et 1113e séances
(CAT/C/SR.1110 et 1113), les 8 et 9 novembre 2012, et a adopté les observations
finales ci-après à sa 1127e séance (CAT/C/SR.1127), le 20 novembre
2012.
A. Introduction
2. Le Comité accueille avec satisfaction le
rapport initial du Gabon. Il note toutefois qu’il n’est pas complètement conforme
aux lignes directrices du Comité en matière de présentation de rapports et
regrette que l’Etat partie ait soumis son rapport initial avec 11 ans de retard.
3. Le Comité se félicite du dialogue ouvert
qu’il a eu avec la délégation de haut niveau de l’État partie, ainsi que des
réponses données oralement pendant l’examen aux questions posées par les
membres du Comité.
B. Aspects
positifs
4. Le Comité note avec satisfaction que l’État
partie a ratifié les instruments internationaux ci-après ou y a adhéré:
a) La Convention internationale pour
la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, le 19
janvier 2011 ;
b) Le Protocole facultatif se
rapportant à la Convention contre la torture et autres peines cruels, inhumains
ou dégradants, le 22 septembre 2010 ;
c) Le Protocole additionnel à la
Convention des Nations Unies contre la criminalité organisée visant à prévenir,
réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des
enfants, le 8 octobre 2010 ;
d) Le Protocole facultatif à la
Convention relative aux droits de l’enfant, concernant l’implication d’enfants
dans les conflits armés, le 21 septembre 2010 ;
e) La Convention relative aux
droits des personnes handicapées, le 17 septembre 2007 ;
f) Le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de
l’enfant concernant la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la
pornographie mettant en scène des enfants, le 10 septembre 2007 ;
g) La Convention des Nations
Unies contre la criminalité transnationale organisée, le 10 décembre
2004 ;
h) Le Protocole facultatif à la
Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard
des femmes, le 5 novembre 2004 ; et
i) Le Statut de Rome
instituant la Cour pénale internationale, le 20 septembre 2000.
5. Le Comité prend note avec satisfaction des
efforts faits par l’État partie pour réviser sa législation, notamment:
a) L’adoption
de la loi no. 36/10 du 25 novembre 2010 portant code de procédure pénale
gabonais ;
b) L’adoption en 2010 de la
loi no. 3/2010, portant abolition de la peine de mort ;
c) L’adoption en 2009, de
la loi no. 0038/2008 du 29 janvier 2009 relative à la lutte et à la prévention
contre les mutilations génitales féminines;
d) L’adoption de l’ordonnance
no. 013/PR/2010 du 9 avril 2010, portant Statut particulier des policiers et
dont l’article 135 institue deux types de responsabilités fautives des
policiers, à savoir les fautes disciplinaires et les fautes professionnelles.
6. Le Comité salue la création, en janvier 2007,
d’un Comité national de rédaction des rapports sur les droits de l’homme au
Gabon ainsi que la signature d’un accord
multilatéral de coopération régionale de lutte contre la traite des personnes,
en particulier des femmes et des enfants en Afrique de l’Ouest et du Centre et
de sa résolution sur la lutte contre la traite des enfants. Le Comité salue
également la coopération de l’Etat partie avec la Rapporteuse spéciale sur les
droits fondamentaux des victimes de la traite des êtres humains, en particulier
les femmes et les enfants qui a effectué une visite au Gabon du 14 au 18 mai
2012.
C. Principaux
sujets de préoccupation et recommandations
Définition de la
torture
7. Le Comité est préoccupé par le fait que la référence à la notion de torture dans
l’article 1, alinéa 1 du titre préliminaire de la Constitution et dans
l’article 253 du Code pénal gabonais, ne consacre pas une définition de la
torture y compris les actes qui consistent à infliger une douleur ou des
souffrances mentales. En même temps, il n’existe pas non plus une définition
dans son droit pénal avec tous les manquements d’obligations de la Convention
que cela implique (art.1er).
L’État partie a l’obligation de réviser sa
législation, en particulier son Code pénal, afin d’adopter une définition de la
torture, y compris les actes qui consistent à infliger une douleur ou des
souffrances mentales, en conformité avec l’article 1 de la Convention, et à
l’incriminer de manière spécifique. Il devrait également faire en sorte que le
Code pénal prévoie des peines appropriées pour les actes de torture.
Incrimination de la tentative
de torture
8. Le Comité est préoccupé par le fait que les
dispositions des articles 46 et 47 du Code de procédure pénale relatives à la
possibilité de porter plainte et de déclencher l’action pénale par le Procureur
de la République n’incriminent pas de manière explicite ni la tentative de
commettre un acte de torture ni la complicité et la participation à un acte de
torture et, par conséquent, ne répondent pas directement aux exigences de
l’article 4 de la Convention (art. 4).
L’Etat partie devrait prendre les mesures
nécessaires dans son Code pénal afin d’incriminer de manière explicite la
tentative, la complicité et la participation à la commission de torture comme un acte de torture,
en conformité avec l’article 4 de la Convention, et prévoir des peines
appropriées à ce propos.
Application directe de
la Convention par les juridictions internes
9. Notant les informations fournies par la
délégation de l’Etat partie selon lesquelles
la Convention peut être évoquée à titre d’information par le juge
interne, le Comité est toutefois préoccupé par le manque d’informations
précises sur le statut de la Convention dans l’ordre juridique interne de
l’Etat partie. Il est également préoccupé par l’absence d’informations sur les
affaires dans lesquelles la Convention a été appliquée par les tribunaux de
l’État partie ou invoquée devant eux (art. 2).
L’État partie devrait clarifier le statut de la
Convention dans son ordre juridique interne. Il devrait veiller à ce que les
agents de l’État, les juges, les magistrats, les procureurs et les avocats
reçoivent une formation sur les dispositions de la Convention de manière à leur
permettre d’invoquer directement devant les tribunaux de l’État partie les
droits inscrits dans la Convention et ainsi de les faire valoir devant ces
mêmes tribunaux. Enfin, l’Etat partie devrait fournir au Comité des exemples précis
et représentatifs d’affaires dans lesquelles la Convention a été directement
appliquée par les tribunaux ou évoquée devant eux.
Garanties juridiques
fondamentales
10. S’il note que, en vertu de la législation de
l’État partie, les détenus bénéficient des garanties juridiques fondamentales,
le Comité est toutefois préoccupé par les informations indiquant que les
personnes détenues dans des postes de police ou d’autres lieux de détention ne
bénéficient pas systématiquement des garanties juridiques fondamentales prévues
aux articles 53 et 54 du Code de procédure pénale, notamment l’accès à un
avocat dès le début de la détention, l’accès à un médecin de son choix ainsi
que le droit d’informer une personne de son choix de sa détention, conformément
aux normes internationales. Tout en notant que la durée de la garde à vue
prévue par le Code de procédure pénale est de 48 heures, le Comité reste
préoccupé par le fait que la police judiciaire peut émettre un ordre de
détention non renouvelable de huit jours dans certaines régions aux fins de
conduire un prévenu devant le magistrat d’instruction. Le Comité est enfin
préoccupé par l’absence d’informations sur la durée maximale de la détention
préventive (art. 2).
L’État partie devrait prendre rapidement des
mesures efficaces pour que, en droit et dans la pratique, toutes les personnes
privées de liberté jouissent, à partir du moment de leur mise en détention, de
toutes les garanties juridiques fondamentales. Il s’agit notamment du droit de
chaque détenu d’être informé des raisons de son arrestation, y compris de toute
accusation portée contre lui, d’avoir promptement accès à un avocat et de
s’entretenir en privé avec lui, d’être examiné par un médecin de son choix,
d’informer un proche, d’être assisté par un avocat pendant un interrogatoire de
police et, si nécessaire, par un interprète, d’obtenir une aide
juridictionnelle si nécessaire, d’être présenté à un juge dans les plus brefs
délais et de faire examiner la légalité de sa détention par un tribunal. L’Etat
partie devrait réviser sa législation en conformité avec les standards
internationaux afin d’abolir la possibilité pour la police judiciaire d’émettre
un ordre de détention de huit jours.
Ordre d’un supérieur
11. Le Comité est préoccupé par le fait que les
dispositions des articles 49 et 49bis du Code pénal auxquelles l’Etat partie se
réfère comme satisfaisant à l’obligation qu’un ordre d’un supérieur ou d’une
autorité publique ne puisse justifier un acte de torture, ne recouvrent pas l’article
2, paragraphe 3 de la Convention. Le Comité est également préoccupé par
le fait que les dispositions des articles 12 et 15 du Code de procédure pénale
n’offrent pas des mécanismes et des procédures propres et suffisants à protéger
le subordonné qui refuse l’ordre du supérieur de commettre un acte de torture
contre des représailles (art. 2).
L’État partie devrait garantir, dans la législation
et dans la pratique, le droit d’un subordonné de refuser d’exécuter un ordre
émanant de son supérieur qui est contraire à la Convention. Il devrait aussi
veiller dans la pratique à ce que l’exécution d’un tel ordre ne constitue pas
une justification de la torture, en totale conformité avec le paragraphe 3
de l’article 2 de la Convention. L’Etat partie devrait mettre en place des
mécanismes ou procédures permettant de protéger de représailles un subordonné
qui refuse de suivre l‘ordre d’un supérieur, qui est contraire à la Convention.
Commission nationale des droits de
l’homme
12. Le Comité note la création de la Commission
nationale des droits de l’homme par l’Etat partie par la Loi No. 19/2005 du 3
janvier 2006 et le décret No. 303/PR/MCAEPRDH du 31 mars 2008, qui fixe les
modalités de désignation de ses membres. Cependant, le Comité est préoccupé par
le fait que cette Commission ne dispose toujours pas d’un siège. En plus, elle
est caractérisée par l’insuffisance des ressources financières et humaines, le
manque d’assurance pour ce qui est de l’indépendance de ses membres et elle ne
dispose pas d’un statut auprès de la commission de coordination des
institutions nationales des droits de l’homme (art. 2).
L’Etat partie devrait, de manière urgente, prendre
des mesures afin d’assurer le bon fonctionnement de la Commission nationale des
droits de l’homme, garantir son indépendance, lui fournir des ressources
financières et humaines suffisantes afin qu’elle puisse s’acquitter de son
mandat, en pleine conformité avec les principes concernant le statut des
institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de
l’homme (Principes de Paris, résolution 48/134 de l’Assemblée générale). L’Etat
partie devrait également demander l’accréditation de cette Commission auprès de
la commission de coordination des institutions nationales des droits de
l’homme.
Mécanisme national de
prévention de la torture
13. Le Comité regrette que l’Etat partie n’ait pas
encore établi un mécanisme national de prévention suite à sa ratification du
Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture et autres
peines cruels, inhumains ou dégradants, le 22 septembre 2010 (art. 2).
L’Etat partie devrait prendre au plus vite les
mesures appropriées, en consultation avec toutes les parties prenantes, afin
d’établir un mécanisme national de prévention en conformité avec l’article 3 du
Protocole facultatif et de lui fournir les ressources financières et humaines
suffisantes pour lui permettre de remplir ses fonctions efficacement et en
toute indépendance, conformément au paragraphe 3 de l’article 18 du Protocole
facultatif et aux directives 11 et 12 du Sous-Comité pour la prévention de la
torture.
Réforme du pouvoir
judiciaire
14. Tout en notant les informations fournies par la
délégation de l’Etat partie, le Comité est préoccupé par les informations
contenues au paragraphe 11 du rapport initial de l’Etat partie et faisant état
de manquements et de comportements déviants du corps judiciaire, notamment la
« corruption, la soustraction frauduleuse des pièces de dossiers, des
mises en liberté provisoire fantaisistes de dangereux criminels sans garantie de
représentation, des disparitions de dossiers emportés par des magistrats ou des
greffiers, des disparitions des scellés et d’autres pièces à conviction ». Ces
manquements sont de nature à entraver
notamment l’instruction des plaintes relatives à des actes de torture,
l’administration des preuves de torture, la conduite des enquêtes et des
poursuites et la punition des coupables, et susceptibles de faire obstacle à la
pleine jouissance par les justiciables des droits prévus par la Convention et à
une bonne administration de la justice. Le Comité s’inquiète également de
certaines carences telles que l’absence de garantie d’une indépendance
effective du corps judiciaire, le caractère désuet du statut des magistrats et
l’absence d’un personnel qualifié, l’absence d’enquêtes systématiques et de
sanctions contre les magistrats fautifs, susceptibles d’empêcher une efficacité
de la justice en matière de lutte contre la torture (art. 2).
L’Etat partie devrait :
a) Poursuivre
les réformes du système judiciaire qu’il a entamées afin d’améliorer le bon
fonctionnement du corps judiciaire et de consolider ses assises
institutionnelles ;
b)
Veiller à garantir de manière effective et à renforcer l’indépendance des
magistrats, à les doter de la condition d’inamovibilité, de réviser pour le
meilleur leur statut, à renforcer les capacités humaines en nombre et en
qualité, à leur assurer une meilleure formation, y compris une formation
continue, tout ceci en tenant compte des réalités dans l’Etat partie ainsi que
des dispositions de la Convention ;
c) Renforcer
des mesures visant à combattre les comportements déviants du corps judiciaire,
en particulier la corruption sous toutes ses formes et qui peuvent empêcher de
mener les enquêtes et les poursuites indépendantes et impartiales et adéquates
contre les actes de torture et de condamner les coupables, notamment à menant
des enquêtes, en traduisant devant le Conseil disciplinaire les coupables et en
leur infligeant les sanctions adéquates.
Non-refoulement des
étrangers sans-papiers
15. Tout en prenant note des informations fournies
par l’Etat partie sur le renvoi des étrangers sans-papiers de Minkébé en juin
2011, conformément à la législation gabonaise qui prévoit l’éloignement de son
territoire de tout étranger qui porterait atteinte à l’ordre public, à la
sécurité nationale ou qui ne respecterait pas les conditions de séjour, le
Comité est préoccupé par l’absence d’informations sur les conditions
d’éloignement de ces étrangers et en particulier si l’examen de la décision de
leur éloignement s’est fait individuellement ou collectivement et s’ils ont eu
la possibilité de faire appel de cette décision et quels en ont été les
résultats. Le Comité est par ailleurs préoccupé par l’absence d’informations
sur le respect du principe de non-refoulement lors de l’éloignement de ces
étrangers (art.3).
L’Etat partie devrait veiller à ce qu’aucune
personne, y compris en situation irrégulière de séjour sur son territoire, ne
soit expulsée, extradée ou refoulée vers un Etat où il y a des motifs sérieux
de croire qu’elle risque d’être soumise à la torture. Il devrait prendre toutes
les mesures pour s’assurer que le principe de non-refoulement soit garanti dans
toutes les situations, y compris dans les situations semblables à celle de
Minkébé, en conformité avec ses obligations internationales au titre de
l’article 3 de la Convention, que les décisions soient prises à la suite d’un
examen individuel et non collectif et que les personnes concernées puissent avoir
la possibilité de faire appel de ces décisions.
Formation
16. Tout en prenant note des informations
données par l’État partie sur les formations imparties en droit fondamentaux
des citoyens aux membres des forces de l’ordre, au personnel de la sécurité
pénitentiaire et aux officiers de police judiciaire, aux nouveaux magistrats, le Comité est préoccupé par le fait
que cette formation ne concerne pas tous les agents d’application de la loi et
le personnel médical habilité à travailler avec les détenus. Aussi, manque-t-il
la vulgarisation nécessaire dans le domaine et une sensibilisation publique. Il est également concerné par le manque
d’informations sur les incidences de ces formations dans le domaine de la lutte contre la torture et les mauvais
traitements et sur leur évaluation. Il note enfin avec préoccupation que l’État
partie n’a pas indiqué si cette formation comprend une application du contenu
du Manuel pour enquêter efficacement sur la torture et autres peines ou
traitements cruels, inhumains ou dégradants (Protocole d’Istanbul) (art. 10).
L’État partie devrait
renforcer les programmes de formation destinés aux membres des forces de l’ordre,
civils ou militaires et l’étendre au
personnel médical, aux agents de l’État et aux autres personnes susceptibles d’intervenir
dans la garde à vue, l’interrogatoire ou le traitement des personnes arrêtées,
détenues ou emprisonnées. Il devrait évaluer l’efficacité des formations offertes
et veiller à ce que le Protocole d’Istanbul soit inclus dans les programmes de
formation. Il devrait enfin mener des campagnes de sensibilisation du public sur
la prévention de la torture.
Conditions carcérales
17. Le Comité a pris note des efforts fournis par
l’Etat partie dans le domaine des conditions carcérales y compris le projet de
construction de nouvelles prisons et la rénovation d’anciennes ainsi que son
engagement à réduire la surpopulation carcérale de manière significative dès la
fin de l’année 2012. Il est cependant préoccupé par l’état des lieux, en
particulier en ce qui concerne l’hygiène, l’accès aux soins de santé et à une
alimentation adéquate. Il est également
préoccupé par le taux élevé de surpopulation, notamment dans la prison centrale
de Libreville, et par des informations selon lesquelles le principe de
séparation des détenus n’est pas toujours respecté dans les prisons situées
dans les zones rurales. Le Comité est enfin préoccupé par l’absence
d’informations sur l’application effective de la loi adoptée le 26 décembre
2009 sur un meilleur suivi des peines et une meilleure gestion de l’univers
carcéral ainsi que des informations spécifiques relatives aux plaintes déposées
par les détenus et leur traitement (art. 11 et 16).
L’État partie devrait redoubler ses efforts pour
améliorer les conditions carcérales et veiller à ce que celles-ci satisfont l’Ensemble
de règles minima pour le traitement des détenus approuvé par le Conseil
économique et social des Nations Unies dans ses résolutions 663 c (xxiv) et
2076 (lxii):
a) En réduisant de manière significative le taux élevé de
surpopulation carcérale notamment dans la prison centrale de Libreville, en
particulier en recourant davantage à des mesures non privatives de liberté,
compte tenu des Règles minima des Nations Unies pour l’élaboration de mesures
non privatives de liberté (Règles de Tokyo);
b) En réduisant la durée de la détention préventive et en
libérant les détenus qui ont exécuté la plus grande partie de leur peine de
prison et qui sont considérés par les autorités compétentes comme aptes à la
réinsertion dans la société;
c) En veillant à ce que les mineurs soient séparés des adultes en
conformité avec les normes internationales, les prévenus des condamnés et les
femmes des hommes, en particulier dans les prisons en zones rurales;
d) En veillant à ce que les détenus puissent effectivement déposer
plainte relativement à leurs conditions de détention et aux mauvais traitements
et qu’elles fassent l’objet d’enquêtes impartiales, promptes et indépendantes;
e) En rationalisant le régime des peines pour ce qui est des
mineurs en conformité avec les normes internationales; et
f) En garantissant l’accès aux soins de santé et en assurant une
subsistance alimentaire adéquate par jour.
Justice pour mineurs
18. Tout en prenant note que l’Etat partie a adopté
un nouveau régime juridique pour mineurs (par le biais de la Loi No. 39/2010 du
25 novembre 2010 portant régime judiciaire de protection du mineur et
promulguée le décret No. 0806/PR du 25 novembre 2010, qui institue un régime
dérogatoire de droit commun notamment en matière de détention préventive et de
minorité pénale, le Comité regrette que cette réforme de la législation
n’ait pas inclus un régime de peines alternatives à la privation de liberté
pour les mineurs. (art. 2, 10 et 16).
L’État partie devrait:
a) Mettre
à point sa législation en y insérant des mesures alternatives dans le système
de justice de mineurs en conflit avec la loi;
b) Veiller
à ce que la détention des mineurs ne se fasse qu’en dernier ressort et pour la
période la plus courte possible;
c) Veiller
aussi à ce que les mineurs privés de liberté jouissent de toutes les garanties
juridiques et que la séparation soit garantie entre le mineurs condamnés et les
adultes, les hommes et les femmes et les prévenus et les condamnés,
satisfaisant l’Ensemble des règles minima des Nations Unies concernant
l’administration de la justice pour mineurs (Règles de Beijing) adoptée par
l’Assemblée générale dans sa résolution 40/33 du 29 novembre 1985 et aux
principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance
juvénile (Règles de Riyad) adoptée par l’Assemblée générale dans sa résolution
45/112 du 14 décembre 1990.
L’Etat
partie devrait également former un personnel suffisant et compétent à traiter
des affaires relevant de la justice des mineurs.
Traite des personnes
19. Le Comité prend note des nombreuses mesures législatives,
institutionnelles et de sensibilisation adoptées par l’Etat partie pour
prévenir et combattre la traite des personnes. Cependant, le Comité est
préoccupé par la persistance de la traite des personnes dans l’Etat partie, y
compris celle des enfants (30,6%), à des fins d’exploitation de travail et
sexuelle. Le Comité est également préoccupé des insuffisances dans les mesures
de lutte contre la traite, notamment la non-pénalisation par la Loi 09/2004 de toutes
formes de traite des personnes et le fait qu’elle ne pénalise pas la traite
au-delà de 18 ans ; l’absence de données précises sur l’ampleur du
phénomène de la traite, l’absence de réglementation en faveur des victimes, le
manque de compétences des enquêteurs, l’absence d’informations sur les plaintes
déposées et leur résultat, l’absence de moyens financiers suffisants pour les
centres d’accueil et une certaine impunité des responsables (art. 2, 12, 13,
14,16 ).
L’État partie devrait :
a) Veiller
à l’application effective en pleine conformité avec la Convention, de la
législation déjà existante pour lutter contre la traite des personnes ;
b) Réviser
la Loi 09/2004 afin de pénaliser également la traite des personnes au-delà de l’âge
de 18 ans ainsi que toutes les formes de traite, notamment à des fins
d’exploitation sexuelle ou de servitude ;
c) Conduire
une étude sur l’ampleur réelle de la traite des personnes dans l’Etat partie et
ses causes ;
d) Mettre
fin à l’impunité en enquêtant de manière systématique sur les allégations de
traite, en engageant des poursuites contre les auteurs et en les sanctionnant
de manière appropriée ;
e) Offrir
une protection aux victimes, y compris une indemnisation adéquate et de la
réhabilitation si nécessaire, et renforcer ses campagnes de
sensibilisation ;
f) Former
les enquêteurs et le personnel en contact avec les victimes de traite, y
compris les Services de l’immigration et doter les centres d’accueil de
ressources suffisantes.
Crimes
rituels
20. Le
Comité prend note des informations fournies par l’Etat partie sur les mesures
prises afin de lutter contre les crimes rituels. Cependant, le Comité reste
préoccupé par la persistance des crimes rituels dans l’Etat partie impliquant des enfants. Le Comité est également
préoccupé par l’absence d’informations précises et détaillées sur l’ampleur de
ce phénomène, sur les enquêtes menées, les poursuites engagées, les procès et
les sanctions imposées aux coupables, la
réparation offerte ainsi que des mesures de sensibilisation (art. 2, 12, 13, 14
16).
L’Etat
partie devrait de manière urgente prendre des mesures de prévention et de
protection contre les crimes rituels. Il devrait mener une étude sur l’ampleur
du problème et renforcer la sensibilisation de la population à ce sujet. L’Etat
partie devrait continuer d’enquêter, de poursuivre, de traduire en justice,
punir les coupables et informer le Comité sur la suite judiciaire des cas
pendants. En outre, il devrait prendre des mesures de réparation, de
compensation ou de réhabilitation des victimes.
Mutilations génitales
féminines
21. Tout en notant les mesures prises par l’Etat
partie, en particulier la Loi No 0038/2008 du 29 janvier 2009 relative à la
lutte et à la prévention contre les mutilations génitales féminines ainsi que
les informations fournies par la délégation de l’Etat partie sur les causes de
ces pratiques, le Comité reste préoccupé par la persistance dans l’Etat partie
de la pratique de mutilations féminines génitales sur les jeunes filles. Il est
également préoccupé par l’absence d’informations précises sur les plaintes
déposées et les enquêtes menées, les poursuites engagées et les sanctions
décidées contre les responsables de ces pratiques (arts. 2, 12, 13, 14 et 16).
L’État partie devrait renforcer la législation et les
autres mesures visant à prévenir et éliminer la pratique de mutilations
féminines génitales, notamment en veillant à une application effective de sa
législation sur ce sujet, en conformité avec la Convention, notamment en
facilitant le dépôt de plaintes par les victimes, en menant des enquêtes et en
poursuivant et punissant les responsables par des sanctions appropriées, et en
fournissant une réparation adéquate, une indemnisation ou une réhabilitation
aux victimes. Il devrait également renforcer l’étendue des campagnes de
sensibilisation, en particulier auprès des familles, sur les effets néfastes de
cette pratique.
Plaintes en matière de
torture
22. Le Comité est préoccupé par la
non-conformité avec l’article 12 de la
Convention des dispositions de l’article 31 du Code de procédure pénale qui
« prévoit l’ouverture d’une enquête et une instruction judiciaire si la
victime en fait la demande selon la loi » en cas d’allégations de torture.
Le Comité est également préoccupé par l’absence d’un mécanisme spécifique
permettant de porter plainte pour des actes de torture, notamment infligés par
les forces de police et en tous lieux de privation de liberté, y compris dans
les prisons. Le Comité s’interroge sur le caractère indépendant et impartial
d’enquêtes pouvant être menées contre la police pour actes de torture par un
officier de police judiciaire, comme prévu à l’article 3 du Code procédure
pénale (arts.12 et 13).
L’Etat partie devrait
réviser son Code de procédure pénale afin de permettre une ouverture d’enquête
d’office, prompte et impartiale, lorsqu’il y a des raisons de croire qu’un acte
de torture a été commis dans un territoire sous sa juridiction. Il devrait
enfin établir un mécanisme indépendant pour les plaintes contre les forces de
police et garantir qu’elles sont effectuées de manière prompte, impartiale et
indépendante. L’Etat partie devrait également prendre les mesures nécessaires
afin de faciliter que les victimes de torture, y compris les détenus, puissent
porter plainte sans crainte de représailles et que cette plainte soit instruite
de manière prompte et impartiale.
Réparation, indemnisation, réadaptation
23. Tout en notant que l’article 2 du
Code de procédure pénale permet une action civile en réparation du dommage souffert
par un crime ou un délit, le Comité
regrette l’absence d’informations précises et détaillées sur des mécanismes en
vigueur dans l’Etat partie pour pourvoir à une compensation équitable et
adéquate, y compris la réhabilitation, aux personnes victimes de torture, y
compris en absence d’une action en réparation introduite par la victime. Le
Comité est également préoccupé par l’absence d’informations sur des affaires
liées à la torture ou aux mauvais traitements dans lesquelles l’Etat partie
aurait eu à verser une indemnisation pour réparer des dommages causés à des
victimes de la torture ou à des mesures de réhabilitation, si nécessaire (art. 14).
L’État partie devrait clarifier
sa législation et prévoir un dispositif afin de garantir que les victimes de
torture puissent demander et recevoir une indemnisation équitable et adéquate,
notamment dans des cas où des agents de l’Etat sont impliqués et qu’une
réhabilitation peut leur être offerte, en conformité avec l’article 14 de la
Convention. Il devrait fournir au Comité des données statistiques détaillées sur
les affaires dans lesquelles l’État partie a indemnisé des victimes de torture
ou de mauvais traitements, en précisant le montant des indemnités versées.
Le Comité attire l’attention
de l’Etat partie sur la Recommandation Générale sur l’article 14 récemment
adoptée (CAT/C/GC/3) qui explicite le contenu et la portée des obligations des
Etats parties en vue de fournir une réparation totale aux victimes de torture.
Aveux obtenus sous la contrainte
24. Le
Comité est préoccupé par le fait que, d’après les informations fournies par
l’Etat partie dans son rapport, la
liberté de la preuve ne peut se faire par des moyens illégaux mais qui ne
contient pas une règle claire dans sa législation pénale qui interdit de
manière explicite l’utilisation par les tribunaux des preuves ou des aveux
obtenus sous la torture (art. 15).
L’État partie devrait clarifier sa législation afin que les aveux, les
déclarations et les éléments de preuve obtenus par la torture ou des mauvais
traitements ne soient pas invoqués comme un élément de preuve dans une
procédure, si ce n’est contre la personne accusée de torture pour établir qu’une
déclaration a été faite. L’État partie devrait enquêter sur les allégations d’aveux
obtenus par la torture et veiller à ce que les responsables soient poursuivis
et punis. Il devrait revoir les cas fondés sur des aveux obtenus par la torture
ou des mauvais traitements, prendre les mesures correctives qui s’imposent et
informer le Comité de ses constatations.
Châtiments corporels
sur les enfants
25. Tout en prenant note des informations fournies
par la délégation de l’Etat partie selon lesquelles les enfants sont protégés
par le Code de protection de l’enfance et de la loi spécifique pénalisant les
violences domestiques, scolaires et institutionnelles et les campagnes de
sensibilisation menées à Libreville, Owendo, Makokou et Oyem sur les pires
formes de châtiments corporels des
enfants en milieu scolaire, le Comité est préoccupé par des rapports faisant
état de la persistance des châtiments corporels dans le milieux familial et
scolaire (art. 16).
L’Etat partie devrait prendre des mesures pour une
application effective de sa législation afin de s’assurer que les châtiments
corporels ne sont plus pratiqués dans aucune circonstance. Il devrait également
renforcer ses campagnes de sensibilisation sur les effets néfastes des
châtiments corporels et leur interdiction.
Collecte de données
26. Le
Comité regrette de ne pas disposer de données complètes et fiables sur les
plaintes, les enquêtes, les poursuites et les condamnations portant sur des
actes de torture ou des mauvais traitements infligés par les forces de l’ordre
et le personnel pénitentiaire. Il regrette également de ne pas disposer de ces
mêmes informations en ce qui concerne la traite des personnes, la justice des
mineurs, les châtiments corporels, les mutilations génitales féminines, ainsi
que les indemnisations reçues par les victimes et leur réhabilitation.
L’État
partie devrait rassembler des données statistiques permettant d’évaluer la mise
en œuvre de la Convention à l’échelon national, telles que des données sur les
plaintes déposées, les enquêtes menées, les poursuites engagées et les
condamnations prononcées dans des affaires de torture ou de mauvais
traitements, en relation les forces de police, le personnel pénitentiaire, la
traite des personnes, la justice des mineurs, les châtiments corporels, les
mutilations génitales féminines ainsi que la réparation offerte, sous forme
d’indemnisation, et les moyens de réadaptation.
27. Le Comité recommande à l’État partie de faire
les déclarations prévues aux articles 21 et 22 de la Convention, afin de
reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des
communications.
28. L’État partie est invité à diffuser largement
le rapport qu’il a soumis au Comité ainsi que les présentes observations
finales, dans les langues voulues, par l’intermédiaire des sites Web officiels,
des médias et des organisations non gouvernementales.
29. Le Comité exhorterait l’État partie de lui
faire parvenir, le 23 novembre 2013 au
plus tard, des renseignements sur la suite qu’il aura donnée aux
recommandations du Comité concernant i) l’incrimination de la torture,
ii) les garanties fondamentales assurées aux personnes retenues au
poste de police, iii) les conditions carcérales et iv) les poursuites engagées
et les sanctions prises contre les auteurs d’actes de torture et de mauvais
traitements, formulées aux paragraphes 8, 10, 17 (a), ( e) et 22 des présentes observations
finales.
30. Le Comité invite l’État partie à présenter son
prochain rapport, qui sera son deuxième rapport périodique, le 23 novembre 2016
au plus tard. À cette fin, il invite
l’État partie à accepter, le 23 novembre 2013 au plus tard, de se soumettre à
la procédure facultative d’établissement de rapport, en vertu de laquelle le
Comité transmet à l’État partie une liste de points à traiter avant la
soumission du rapport. Les réponses de l’État partie à la liste des points à
traiter constitueront, en vertu de l’article 19 de la Convention, son prochain
rapport périodique.
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