dimanche 3 juillet 2011

Révolution silencieuse gabonaise: l’Armée devant un choix historique!


Même si le PDG et Ali Ben Bongo veulent bien nous faire croire que tout va bien au Gabon et qu’il n’y aucune crise politique dans ce pays, les faits démontrent que depuis le coup de force électoral qui a permis à Ali Bongo de devenir président (illégitime) en septembre 2009, le Gabon est plongé dans une crise politique majeure.  L’apogée de la crise a été atteinte lorsque André Mba Obame s’est autoproclamé président du Gabon et a formé un gouvernement parallèle le 25 janvier 2009, qui existe toujours.

La crise politique qui sévit au Gabon a été qualifiée de « révolution silencieuse » puisqu’elle se déroulait en même temps que la Tunisie et l’Égypte vivaient des moments historiques, alors que les dictateurs Ben Ali et Hosni Moubarak se faisaient chasser du pouvoir par leur peuple respectif.  Toutes les caméras et tous les plumes des médias du monde étaient donc orientés vers le Maghreb et le Gabon paraissait comme un non événement.  Pourtant, comme les Tunisiens et les Égyptiens, le peuple gabonais dénonçait aussi la manipulation des urnes, l’oppression, l’exploitation, la corruption, les détournements massifs de fonds publics, la faim, le chômage et bien d’autres maux dont il souffre depuis plus 43 ans que le pays est dirigé par la même famille Bongo.

L’issue de la crise politique au Gabon, à l’instar des révolutions en Tunisie et en Égypte, repose en grande partie sur le rôle que l’Armée jouera.  Certains partis politiques de l’opposition (notamment l’Union nationale) et les représentants de la société civile ont démontré encore récemment leur détermination à faire du Gabon un pays enfin libre et démocratique.  L’Armée gabonaise (même chose pour la Police) devra choisir entre continuer à soutenir un régime tyrannique affaibli et les aspirations fortes du peuple pour le changement et la démocratie véritable au Gabon.

Les leçons du Maghreb et l’Armée gabonaise

En Tunisie, l’Armée a permis, grâce aux États-Unis, de construire un corridor de départ à Ben Ali.  L’Armée tunisienne avait été reléguée au second rang au profit de la Police pendant le règne des Ben Ali.  C’est une Armée qu’on peut qualifiée de citoyenne.

En Égypte, l’Armée, malgré les injonctions pour une transition immédiate des États-unis et de l’Union européenne, a continué de fermer le corridor pour le départ éventuel de Moubarak qui disait être le rempart contre le développement de l’islamisme politique.  Hosni Moubarak a quand même quitté le pouvoir, sous la protection de l’Armée.  L’Armée a donc joué un rôle crucial pour la réussite des révolutions égyptienne et tunisienne.

Comme ils l’ont fait pour le cas de la Tunisie et de l’Égypte, la plupart des capitales occidentales, dont Paris, seraient-elles entrain de ne pas savoir anticiper les lames de fond qui portent le peuple gabonais vers plus de justice, plus d’égalité et plus de démocratie au sens réel et non uniquement sur des idéaux et des slogans de principe (comme l’émergence)?

Depuis la prise du pouvoir douteux par Albert Bernard Bongo (devenu Omar Bongo Ondimba), l’Armée apparaît comme le garant du pouvoir avec peu de variations quant au contexte politique changeant.  Une partie de l’Armée s’est enrichie, car les généraux s’estiment être les garants de la lutte contre l’instabilité, donc les garants de la paix sociale, recevant ainsi de la France des aides matérielles et financières, pour des raisons de géostratégies, de contrôle économique et de sécurité énergétique.  La démocratie réelle et économique en direction des populations a donc été abandonnée au profit d’une fausse démocratie politique fondée sur la corruption, la manipulation, le népotisme, les détournements massifs de fonds publics et l’esclavagisation des couches importantes de la société civile.  La révolution silencieuse en cours au Gabon donne l’impression que l’Armée et la Police sont dans une position ambiguë et intenable à moyen et long termes.

Après les tueries non élucidées de Port-Gentil suite à la proclamation de l’élection frauduleuse de Ali Bongo, les Gabonais ont pris peur de manifester.  Le changement de veste de certains opposants n’a pas aidé non plus à solidifier la confiance des Gabonais envers la classe politique.  Comme si certains se demandaient alors à quoi bon aller mourir sous les balles des bérets rouges et autres mercenaires des Bongo? De plus, le gouvernement du PDG ne ménage aucun effort pour envoyer les bérets rouges tabasser les gens dès le moment qu’une petite manifestation est organisée dans un lieu public.  Tout ce climat de terreur et de suspicion a certes tué dans l’œuf les élans de manifestations populaires dans les lieux publics, il n’a néanmoins pas anéanti le désir profond de changement démocratique et pacifique chez une grande majorité des Gabonais, même dans un silence apparent.  

Dans le contexte politique national et international actuel, l’évolution de la démocratie au Gabon dépendra en bonne partie de l’intervention musclée ou non de l’Armée.  Si les Gabonais voient un signe, fût-il modeste, que l’Armée et la Police ont enfin choisi le camp de la démocratie et du peuple, il n’y a pas de doute que le changement politique (inévitable) au Gabon se produira à une allure qui n’aura alors rien à envier aux départs de Ben Ali et Hosni Moubarak.

L’Armée gabonaise ne peut continuer à jouer à l’autruche avec la démocratie éternellement.  Comme en Égypte, si le pays est au bord du sang, Ali Bongo conserverait l’espoir de sauver sa dynastie déchue, mais cet espoir de toute la famille Bongo n’aura qu’un temps très bref si la majorité de l’État-major de l’Armée fait comprendre à ce clan des Bongo que son règne est terminé.  

Si le maintien d’une dictature réactionnaire au Gabon était le premier choix de la France et des tenants purs et durs de la Françafrique, ce n’est pas tout à fait celui de l’Amérique de Barack Obama; même si les premiers mois de Ali Ben au pouvoir semblaient indiquer que les États-unis l’appuie sans réserve.  Sans aucun doute, la démocratie parlementaire avec alternance est le mode de gouvernance préféré des États-Unis.  L’Armée gabonaise doit donc écouter et faire le bon choix, celui du peuple, contre la tyrannie. 

Comme en Tunisie et en Égypte, l’Armée gabonaise jugera de ce que le clan des Bongo aura accompli au cours de ces semaines ou mois de sursis et elle décidera si elle doit continuer à mater la moindre manifestation du peuple sans armes ou rester sur les parvis et les marchés pour encadrer, voire sanctionner, au besoin, la démocratie accordée ou refusée.  Nous savons que le respect de l’ordre est une loi sacro-sainte de l’Armée.  Ali Bongo étant leur Roi, Maître et Chef suprême, les hommes d’armes lui obéissent.  Mais comme au Maghreb, l’Armée gabonaise ne peut continuer éternellement à obéir aveuglement aux ordres visant à tuer sa propre population qui manifeste sans armes, pour la liberté, la démocratie et un meilleur partage des ressources.  Après tout, la grande majorité des militaires gabonais vit aussi dans la misère et des conditions désolantes!

L’Armée gabonaise doit savoir que l’histoire a toujours été réécrite.  Il n’y a qu’une chose qui est permanente, c’est le changement.  Oui, l’histoire peut se retourner pour faire naître de nouvelles dynamiques, en renversant les rapports auparavant considérés comme inscrits définitivement dans le marbre ou le béton.


Citoyen Libre

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